L’engin Cyril Cyril est constitué de Cyril Yeterian, ancien de Mama Rosin, fondateur de Bongo Joe Records – le label que nous aimons tant : Altin Gun, Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, Pixvae et tant d’autres – et du magasin de disque genevois du même nom, et de Cyril Bondi, percussionniste, voyageur, membre notamment au groupe La Tène et ancien de la formation jazz Plaistow.
Cyril Cyril, c’est la rencontre heureuse de deux êtres unis dans l’idée de créer un organisme musical vivant et luxuriant, mais en toute sobriété. Cyril Cyril, tel une alternative décroissante à la surproduction musicale pour revenir à l’essence même des rythmes telluriques et des expressions sonores les plus spontanées, les plus habitées (voir leur titre Yaaa Yaaa Yaaa). Cyril Cyril ou l’élagage du superflu pour renouer avec la poésie et les vibrations profondes de notre bonne vieille planète bleue, et de notre bon vieux bassin méditerranéen, berceau de notre civilisation aujourd’hui tant éclatée entre ses rives (Samarcande ou Sayyara résonnent comme de profonds appels à une culture commune, du Blues le plus sombre au Rebetiko en passant par les transes bédouines du proche-orient).
Synthèse de grooves, de riffs, et de percussions diggués à travers la sono mondiale, le duo propose ainsi à travers leurs syncrétisme musical un éclairage poétique et percutant sur notre humanité, et sur notre « européanité ».
Leur album, Certaine Ruines, sorti en France sur Born Bad Records, fait ainsi le constat d’un monde ultra moderne et ultra connecté (Cernés de pommes analogues / Je rampe la tête à l’envers / Donne tes données je te donne mes données) baignant dans un spleen velvetien présent dans quasi tous les morceaux (La ville est un danger / le centre se dépeuple et les échoués y sédimentent/ Elle saisonne en solitudes et pauvretés nouvelles). L’homme y déambule et se questionne, oscillant entre l’envie de révolte (Où sont donc passées les âmes / Avec qui prendre les armes?) et la quête de l’apaisement, peut être bien dans la fosses des Mariannes car sous la mer, pour nos Cyrils, c’est encore, pour le moment, calme…
Cyril Cyril, tel une promenade folk, sentimentale et orientale au milieu des ruines.
Chanson française, bruitismes, rumeurs des musiques anciennes et lointaines, instruments faits-mains, radios-transistors modifiés et autres vieux objets électroniques.
« C’est fait de bouts de poèmes arrachées au silence et puis gueulés sur des durées impossibles. c’est une musique d’aveugle clairvoyant, comme le blues. on ne sait pas si c’est primitif ou d’avant-garde comme on dit à l’armée.
C’est aussi tout une langue, pauvre, nue et belle qui avance avec des ciseaux pour ajourer la vie contemplée, éprouvée, pour la révéler dans sa réversibilité à force d’épiphanies patientes.
C’est pas du patois pour rire, c’est le drame de la langue, jeté en plus sur de la musique en lambeaux. qu’est-ce qu’il reste du rock’n r’oll quand on lui a tout enlevé? du jazz quand on lui a tout enlevé? de la musique populaire quand on lui a tout enlevé? de la musique savante quand on lui a tout enlevé? il reste des bouts de trucs excitants comme un diable ivre, émus comme de la buée sur les lunettes d’une jeune femme amoureuse, immédiatement compréhensibles mais à tout jamais inexplicables, la possibilité d’une histoire touchée avec les mains dans le discontinu même du temps qui ment et qui mentant dit le vrai du vrai. Bégayer c’est un trio sachant tout très bien, d’instinct, avec les mains, du strip-tease musical et du suicide du sens et qui parvient avec ça, à fabriquer des bombes. »
Sing Sing
