Irnini Mons n’est pas sorti de la cuisse de Jupiter mais plutôt des entrailles de l’underground français. Formé spontanément par trois membres de Decibelles (adoubé par l’iconique Steve Albini), ce nouveau groupe s’est imposé comme une évidence. Rejoint par un deuxième guitariste, le désormais quatuor a décidé de regarder devant, tout en s’appuyant sur des années de concerts, de collaborations, d’enregistrements studios et de rencontres.
En délivrant un post-punk exaltant, du chant choral mélodique et un noise rock grandiose, Irnini Mons dévergonde les formules, détourne les poncifs, et s’affirme comme un espoir vivifiant de la musique à guitare d’aujourd’hui.
Après un EP salué par la critique en 2022 et plusieurs tournées intenses en France et en Europe, le groupe prépare son premier album qui sortira au printemps 2024.
Faire de la noise revient souvent à reproduire un certain nombre de stéréotypes, testostéronés à l’envie et pas toujours prodigues en sentiments. En renouveler les formes, en déconstruire les prérequis sont autant d’exigences, à une époque où le rock est en pleine mue.
Après un premier EP en 2019, très affirmé dans une esthétique psychédélique, Jean-Loup, Marie, Tanguy et Philémon, les quatre membres de Mossaï Mossaï, ont pris le temps de donner naissance à ce « Faces ». Le temps de voir s’agrandir les marges de leur musique, notamment sur scène où le groupe a vite fait parler de lui par ses performances. Puis
d’enregistrer, dans le studio troglodytique de Pierre Lambla à Thoré-la-Rochette, en compagnie du réalisateur Baptiste Mésange (Jim Ballon, Rank-O, Electric Vocuhila…).
Là, dans cet espace argileux, à l’acoustique si particulière, les Mossaï Mossaï ont expérimenté, salissant les sources acoustiques, plongeant dans la matière en la distordant pour en faire jaillir de véritables épiphanies hallucinatoires. Car c’est un point central de ce disque : tout tend, nous convie ici à l’hallucination. Que ce soit par la répétition des rythmes
tribaux, comme dans l’introductif Cerebral, ou par les échos et les saturations des guitares, perturbant les perspectives, les espaces d’écoute. On pense, en modèles, à la musique industrielle de Throbbing Gristle, à la noise de Sonic Youth ou Swans. Comme ces derniers, Mossaï Mossaï tord les formats, balaye les frontières de styles à une époque où tout invite
plutôt à la prudence et aux standards. Le titre L’Elan confine même à l’expérimentation la plus incandescante avec ses bruits de percussions métalliques, ses résonnances acides dans lesquelles circule la voix de Marie. Une voix récitative, ensorcelante, sans doute l’élément le plus original du disque, déclamant tout au long des morceaux des ôdes sensuelles, grinçantes, rappelant Brigitte Fontaine (comme le poétique Esquisses). L’album se prolonge jusqu’au chaotique Charges, venant clore un voyage dantesque de trente-cinq minutes labyrinthiques, dyonisiaques, salutaires.
A l’image des Psychotic Monks, Slift ou de leurs voisins de Loire les Stuffed Foxes, chefs de file d’une scène rock française en pleine effervescence, les Mossaï Mossaï plongent dans l’inconnu pour trouver du nouveau, puisent dans les expériences de leurs aïeux pour mieux inspecter de nouveaux espaces à conquérir, à célébrer. Alors, à notre tour, célébrons ce « Faces », et profitons qu’un disque de rock puisse nous saisir autant en 2023.