Chanson
La Goutte

La Goutte marche hors des sentiers battus de la chanson française. « En s’énervant contre le monde à force de trop vouloir l’aimer », c’est une douce révolte, un grand parfum de liberté que la bande vous invite à partager. Du côté des sonorités on retrouve ce talent à aller emprunter dans la diversité des styles tout en préservant une identité bien ancrée.Flamenco du port d’Amsterdam, tango des Flandres… quelque part entre la musique de chambre et le rock de garage

La Goutte
CHANSON

S’il y a des poètes que le temps tarit, des musiciens que la trentaine assèche, les membres de La Goutte ne sont pas de ceux-là. Avec Advienne que pourra, leur troisième album, Gaby et sa troupe nous offrent une consolation, un contour à nos nostalgies, un sourire à nos angoisses. Cet album, c’est le fado d’un équipage rimbaldien, l’appariement des chansons de pirate et des chansons d’amour. « Solitaire en exil », c’est l’inexplicable saudade* à portée de notre sensibilité. Loin de s’enfermer dans le carcan « chanson » qui colle au timbre du groupe, celui-ci se réinvente. Plus électrique, plus équilibré, l’album laisse un espace rêvé aux choeurs et aux claviers de Ludivine, aux guitares et aux basses-batteries inspirés de Jonas et Hugo. On pense à un Feu ! Chatterton qui aurait usé ses chaussures sur le bitume et sali ses mains dans la glaise. Funambuliste est un bel exemple de cette esthétique nouvelle, reverb de guitare splendide pour donner une perspective à un homme qui raconte sans fards le couple, ses solitudes et ses retrouvailles. Jeter par-dessus bord et ses choeurs finaux sonnent comme un serment de vie et d’amitié renouvelés (« jeter par-dessus bord la peur et les ennuis, s’en remettre à la vie sans regrets ni remords, tant qu’on y croit encore »). Aux guitares électriques et rythmiques 70’s d’un Kaput succède les nuances acoustiques des guitares et des voix dans le troublant Nuages (« le ciel a tourné, et je suis tombé, et j’ai décroché, et j’ai vu de l’autre côté »).

La Goutte a fait son chemin et trouvé sa voie, nous livrant comme un compagnon son chef d’oeuvre, après deux beaux albums qui sonnent aujourd’hui comme les promesses de celui-ci. N’est-ce pas cela, un chef d’oeuvre : un objet qui rend sensible ce que l’on pressentait, donne une forme à ce qui nous hantait ? Advienne que pourra est un trésor trop précieux pour qu’on ait pas l’envie de le partager avec le monde entier.

*du latin solitatis, isolé, « délicieuse nostalgie et désir d’ailleurs »

sam 13 Nov 2021
19:30
PRIX LIBRE